Je suis allé voir « Au Nom De La Terre »

Je suis allé voir « Au Nom De La Terre »

Au nom de la terre

Je me souviens de mes grands-parents agriculteurs. De leur ferme. De certaines de leurs « bêtes ». Du tracteur rouge stationné sous le préau jouxtant la grange. Je me souviens de l’odeur des bottes du foin stockées dans la grange. Je me souviens de leur vie simple. De leur ferme simple et modeste, comme leurs revenus lesquels cependant, leur permettaient d’assurer le pain quotidien et l’éducation de leurs enfants. Une vie simple, faite de longues journées de travail, que ce soit pour travailler la terre, cultiver ou bien encore pour « soigner » leurs bêtes. Une vie professionnelle faite de vente directe, du producteur au consommateur. Consommateur qui souvent, se déplaçait lui-même à la ferme pour aller chercher ses produits.

Cette vie là, c’est la vie qu’a probablement connu le père de Pierre Jarjeau, protagoniste principal de « Au nom de la Terre », le film d’Édouard Bergeon dont il est question ici. Lorsque le temps de la retraite arrive pour le père, il vend sa ferme à son fils Pierre, joué par Guillaume Canet. Ce dernier, jeune et plein d’espoir, compte bien développer l’exploitation familiale avec l’aide de son épouse comptable de métier. C’est d’ailleurs elle qui va assurer le seul revenu stable de la famille. En plus de son travail, elle s’occupe de toute la partie comptabilité gestion de la ferme.

Seulement, malgré tous leurs efforts et toute leur motivation, la vie à la ferme ne ressemble pas du tout à celle du paternel décrite plus haut. Cette vie-là est faite d’emprunts, d’agrandissements de bâtiment et de diversifications. Le film bascule très vite en cauchemar tandis que les journées de travail à la ferme deviennent sans fin. Il décrit très bien comment certains agriculteurs peuvent être happés par le système. Un système qui invite à s’endetter toujours plus, pour produire toujours plus, toujours plus grand, sans jamais pouvoir assurer de revenus stables, lesquels sont employés quand il y en a, à rembourser les fameux emprunts qui se transforment rapidement en dettes. Tel le hamster dans sa roue, le personnage principal admirablement campé par Canet, va se retrouver dans une impasse qui va emporter d’abord sa tête et puis qui finira par avoir raison de sa vie, comme celle des autres agriculteurs qui disparaissent chaque année en France, de la même manière que Pierre Jarjeau. Il y en aurait en moyenne un suicide d’agriculteur par jour aujourd’hui en France.

Le film évoque également avec précision, l’usage des engrais chimiques et autres pesticides bien  connus qui coûtent une fortune, mais qui promettent à coup sûr, de belles récoltes abondantes. Le tout bien évidemment, sans protections ni même sensibilisation de la part des industriels. C’est d’ailleurs par ingestion du tristement célèbre glyphosate que Pierre Jarjeau met fin à ses jours et décède dans les bras de son fils. Lequel fils, se trouve être le réalisateur de ce film coup de poing. Un film qui vient de dépasser le million de spectateurs dans les salles de province, mais qui est boudé par le public parisien. En effet, le film est déjà déprogrammé depuis plusieurs jours des salles parisiennes intra muros. Triste allégorie de la totale déconnexion des citadins avec la nature nourricière ?

En tout cas , à l’heure où les questions climatiques et environnementales n’ont jamais été aussi fortes, ce film frappe là où ça fait mal. Il met en exergue la folie productiviste de l’industrie agroalimentaire laissant sur le carreau, la santé des paysans avec celle des consommateurs (sur un plus long terme et sur plusieurs générations). Il met en relief la déconnexion grave entre l’humain et la terre nourricière (je sais, je me répète). Enfin, il dénonce les pratiques mercantiles et toxiques des entreprises qui gravitent dans le système agroalimentaire.

Si vous considérez que le cinéma est seulement fait pour divertir alors passez votre chemin. Si vous considérez que le cinéma peut aussi être porteur de messages forts qui peuvent modifier les comportements, les habitudes, les façons de voir, alors ce film est pour vous.

Alors vous allez me dire, que faire à notre niveau ? Ce à quoi je vous répondrai : consommer différemment et avoir la consommation un peu moins fainéante. Car quand on voit ce film, on ne peut que se réjouir de la multiplication des pratiques agricoles et viticoles biologiques voire bio dynamiques. Il faut encourager ces pratiques en devenant consommateurs de ces produits. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes se lancent dans des exploitations de proximité à taille humaine, conscientes et respectueuses de l’environnement. Localement, je pense notamment à la ferme Entre Chèvres Et Choux située à St Marc-Sur-Mer (commune de Saint-Nazaire). Là-bas, se vendent des légumes 100% de saison, avec 0% de produits chimiques pour les faire pousser. Bref, de quoi redonner foi en l’humanité. Ce qui ne fait pas de mal après un film comme celui-là.

La bande-annonce :

Date de sortie : 25 septembre 2019 (France)

Réalisateur : Édouard Bergeon
Sociétés de production : Nord-Ouest Films
Scénario : Emmanuel Courcol
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Le Curieux Nazairien est un blog made in Saint-Nazaire dont le sujet central est la musique. Greetings !

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