« Culture Clash » de Don Letts, le trait d’union entre Reggae et Punk.

« Culture Clash » de Don Letts, le trait d’union entre Reggae et Punk.

Toujours au bon endroit, au bon moment, Don Letts partage dans ce livre témoignage passionnant, 20 ans de vie à 100 à l’heure et par la même occasion, 20 années cruciales dans l’histoire de la musique mondiale, en permettant aux lecteurs de comprendre le lien étroit qui existe entre Reggae, Punk et Hip Hop.

From Kingston to London

Le livre de Don Letts débute avec l’histoire de ses parents lesquels, comme de nombreux Jamaïcains des années 50, décident de quitter leur pays natal pour aller chercher une vie meilleure en Angleterre. En général, ils atterrissent dans le fameux quartier de Brixton, désormais connu pour son ambiance caribéenne et multi culturelle. C’est donc dans le quartier de Brixton que débute l’enfance de Don Letts, en 1956, l’année de sa naissance. Entre éducation stricte typique des immigrés noirs de la première génération et rapide émancipation par la musique, le jeune Letts baigne dans un grand bain musical, à cheval entre culture blanche et noire. Il ne peut pas choisir et absorbe tout, comme c’est le cas d’ailleurs, de beaucoup de ses camarades blancs comme noirs.

À l’âge de 14 ans, Letts assiste régulièrement aux diffusions de musiques Reggae dans la rue, par le biais du Sound System que son père met en place à la sortie de l’église. Une occasion pour les immigrants jamaïcains de se réunir autour du son made in Kingston et puis aussi de prendre des nouvelles du pays. Le père de Don Letts diffuse beaucoup de productions de la maison Trojan Records.

Entre les années 60 et 70, la scène musicale jamaïcaine prend tout son essor. Avec le Ska en premier lieu, conséquence heureuse de l’indépendance de la Jamaïque. Et puis le rythme de la musique va ralentir moins de 10 ans après, pour laisser place au Rocksteady, puis au Reggae. Ce nouveau style musical va donner un nouveau souffle à la musique jamaïcaine et il va être adopté instantanément par beaucoup d’anglais et notamment par les Skinheads qui vont se retrouver dans cette musique et son propos. À l’origine (les années 60), les skinheads anglais sont issus du milieu ouvrier et ils grandissent dans un environnement multiculturel. Ils ont totalement intégré la culture jamaïcaine par le biais de la musique parce qu’ils se reconnaissent dans certaines revendications. Notamment, l’oppression policière qui pouvait régner dans les rudes de Londres dans les années 70. L’influence de la musique antillaise se retrouve aussi bien dans la façon de s’habiller que dans la musique écoutée par les Skinheads. Parmi eux, Paul Simonon (The Clash) avec lequel Don Letts va devenir ami. Le Rocksteady est alors la bande son de cette période.

Don Letts, la mode et le Punk

Pour subvenir à ses besoins, le jeune Letts trouve rapidement du travail comme vendeur de vêtements branchés, dans le quartier de Chelsea, sur King’s Road. LE quartier de la contre culture par excellence au début des années 70. Don Letts y vend des vêtements mais aussi ses disques de Reggae favoris. La sélection musicale comme les pièces de vêtements sont triés sur le volet et sélectionnés par lui-même. Vendre des fringues à contre courant, diffuser de la musique jamaïcaine toute la journée dans le quartier le plus branché de Londres donnait le sentiment à Letts d’être au bon endroit au bon moment. Et il avait raison.

Passent dans sa boutique, l’énigmatique John Beverly (Sid Vicious), Bob Marley, Joe Strummer (The Clash), John Lydon (Johnny Rotten des Sex Pistols) entre autre. Tout ce petit monde se déplace autant pour la sélection de vêtements de la boutique tenue par Letts que par sa sélection musicale. Inutile de préciser qu’ils viennent aussi pour acheter un peu d’herbe en refaisant le monde, dans la boutique.

Tous les ingrédients sont alors réunis pour qu’explose une nouvelle musique à Londres, un nouveau son : le Punk. On est en 1977. Une époque où communauté ouvrière blanche et noire défile côte à côte pour obtenir les mêmes droits et à combattre notamment, les arrestations intempestives « à la tête du client » exercées par la police de Londres.

Quelques années après, Letts abandonne la vente de fringues d’occasion pour une autre aventure beaucoup plus excitante. Il est repéré par les patrons d’un nouveau club londonien qui va ouvrir ses portes sur Covent Garden, grâce à la sélection musicale toute personnelle qu’il avait coutume de diffuser dans sa boutique de King’s Road. Il est embauché au Roxy (salle de concert et club) en tant que DJ, à un moment où aucun groupe de Punk n’a encore enregistré un seul disque. Du coup, Letts passe des disques de Reggae Dub dans le club, qu’il réussi merveilleusement bien à intercaler entre les performances live des Clash, des Damned, des Buzzcocks, des Slits ou bien encore de Generation X. Le Punk continue à côtoyer le Reggae, comme les amphétamines côtoient l’herbe, en fonction de la musique qui passe.

Grâce au Reggae, Letts s’est lié d’amitié avec Paul Simonon, Joe Strummer et Johnny Lydon, lequel suivra d’ailleurs Letts dans plusieurs de ses voyages en Jamaïque pour découvrir l’île et s’imprégner de la culture locale, en rencontrant notamment des grands noms de la musique Reggae Roots, comme U Roy ou bien encore Big Youth.

Des platines à la caméra

Don Letts ne sait pas chanter et ne sait jouer d’aucun instrument. En revanche, il sait retranscrire une énergie, un message, une histoire par l’image, que ce soit sous forme de clips vidéos ou de documentaires. Et son premier fait d’arme en la matière sera LE premier témoignage vidéo de cette époque entre Reggae et Punk. Le classique « The Punk Rock Movie », entièrement filmé à la caméra Super 8.

Letts va réaliser bon nombre des clips des Clash et de vidéos sur le groupe et il n’aura de cesse de produire des documentaires jusqu’à aujourd’hui, essentiellement sur le Reggae, le Punk et l’histoire des Skinheads. Bref, c’est tout un pan de l’histoire de l’Angleterre qui va défiler sous sa caméra. Une histoire qu’il nous aide à comprendre un peu mieux grâce à la musique.

Letts sera encore une fois au bon endroit au bon moment lorsqu’il découvrira New-York, au moment excitant où une nouvelle musique sera en train d’émerger : le Hip Hop qu’il compare d’ailleurs dans le livre au Punk grâce à l’esprit DIY (Do It Yourself) du moment. Un esprit qui conduit à faire, à tester, à essayer, sans se soucier du contexte, du matériel à sa disposition ou de ce que vont en penser les autres.

Grâce à son talent de vidéaste, Don Letts ira traîner sa caméra jusqu’en Afrique pour partir à la découverte de ses racines lointaines, tout en objectivité et toujours sans naïveté. Et c’est toujours grâce à sa caméra qu’il fera de nouvelles rencontres comme Sun Ra par exemple, donnant naissance à de nouveaux projets documentaires ou radiophoniques.

Grâce à YouTube, vous pouvez découvrir une belle partie du travail passionnant de Don Letts. Beaucoup de films, de documentaires et même de DJ sets sont disponibles et à découvrir pour toute celles et ceux d’entre vous qui s’intéressent de près ou de loin à la musique Reggae-Punk.

Finalement, peut-être que la meilleure synthèse de toute cette histoire, se jouera ce samedi soir au VIP de Saint-Nazaire, où la fille de Paul Cook (batteur des Sex Pistols) viendra proposer sa musique teintée de toutes les influences citées plus haut ?

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Le Curieux Nazairien est un blog made in Saint-Nazaire dont le sujet central est la musique. Greetings !

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