L’Homme Qui Marche de Jirô Taniguchi, un éloge à la déconnexion

L’Homme Qui Marche de Jirô Taniguchi, un éloge à la déconnexion

Sorti initialement en 1992, « L’Homme Qui Marche », de Jirô Taniguchi, est plus que jamais d’actualité. Bien avant l’avènement de notre ère numérique et de notre vie accélérée, l’auteur signait avec ce manga, une ode à la déconnexion.

l'homme qui marche

 

Une invitation à la déconnexion, avant l’heure !

Au début des années 90, Jirô Taniguchi a eu beaucoup de mal à sortir ce livre dans son pays natal, le Japon. Dans une société qui mise tout sur le travail et la famille, l’histoire de cet homme qui marche sans véritable but et dont on ne comprend pas exactement le job, déambulant à sa guise au gré de ses rêveries, pour mieux contempler le paysage qui l’entoure, n’a pas été très bien accueillie par les éditeurs locaux. Prendre son temps, flâner, rêver, se placer volontairement hors du temps pour écouter le chant des oiseaux : toutes ces choses ne font pas partie de l’ADN de l’organisation de la société japonaise. Mais grâce au talent et à la persévérance de l’auteur, le manga finira par sortir au Japon comme en France, où il sera édité aux éditions Casterman en 1995.

Dans « L’Homme Qui Marche », Jirô Taniguchi nous invite à suivre les déambulations d’un homme dont on ne saura jamais grand chose. Et cela, jusqu’à la fin de l’ouvrage. L’auteur place tout l’intérêt de son manga non pas sur son personnage principal, mais plutôt sur les lieux et paysages qu’il va traverser, ainsi que les sensations et les différents états de la nature au gré des saisons. On sait simplement que cet « homme qui marche » vient d’emménager avec son épouse dans une nouvelle maison. Une nouvelle vie donc, prétexte aux explorations nouvelles, à la découverte du quartier et de ses alentours, le matin avant d’aller travailler, entre midi et deux ou bien sur le trajet du retour, en fin de journée. En fait, tout est prétexte à la déconnexion. Déconnexion du temps, du travail, des responsabilités, des soucis quotidiens, des obligations en tout genre, pour mieux se connecter à l’essentiel.

Surtout ne vous méprenez pas : il n’est pas question ici de fuite en avant pour mettre de côté ses responsabilités. Mais plutôt de déplacement des tâches pour laisser toujours de la place à la rêverie. Comme une hygiène de vie, un rituel, permettant d’aérer le corps et l’esprit, pour mieux retourner à des occupations plus terre-à-terre.

N’est-ce pas ce que nous recherchons tous aujourd’hui, à l’heure où tout le monde semble manquer de temps ? Chez Taniguchi, on ne manque pas de temps : on le prend, tout simplement.

Le style Taniguchi

Au-delà d’une narration quasiment dépourvue de texte pour encore mieux souligner le côté hors du temps du récit, c’est tout le style de Taniguchi que l’on retrouve ici. Un dessin en noir & blanc, à l’apparente simplicité mais qui cache en réalité un grand souci du détail. Un dessin qui permet de faire ressentir au lecteur la plus infime des sensations : une brise qui vient caresser la joue, les cheveux qui se courbent sous les premières gouttes de pluie annonçant l’orage. On entendrait presque le bruissement des feuilles secouées par le vent, quand c’est Jirô Taniguchi qui le dessine. Un dessin exécuté par quelqu’un qui forcément, aime à se placer en observateur lui aussi, hors du temps, à l’écart de ses contemporains.

Ce livre est une invitation à se mettre à l’écart à notre tour. Se mettre en situation de lecture, c’est déjà se mettre à l’écart, bien sûr. Mais en allant plus loin, je dirais que cet ouvrage est aussi une invitation à reprendre conscience de ce qui nous entoure et donc de nous-même.

Pour aller plus loin et vous imprégner encore un peu plus de l’oeuvre de Taniguchi décédé le 11 février dernier à Tokyo, je vous invite à regarder ce superbe documentaire en libre accès sur l’un des meilleurs auteurs de sa génération. Il s’intitule « Dans les pas de Jirô Taniguchi, l’homme qui marche ».

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Auteur

Le Curieux Nazairien est un blog made in Saint-Nazaire dont le sujet central est la musique. Greetings !

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